top of page

De la polyphonie au  yaravi

 

Hanaqpachap cusicuinin est l'une des découvertes musicales qui a le plus attiré l’attention des spécialistes de la société coloniale andine ; il s’agit du désormais célèbre hymne du Ritual formulario (1631), le manuel pour curas de indios du franciscain Juan Pérez Bocanegra. La connotation Renaissance de cette pièce, accompagnée de vers en langue quechua l’ont fait devenir rapidement l’icône de la culture coloniale et par conséquent du métissage religieux et musical andin. Cependant, après avoir comparé cette pièce vocale aux chants religieux en langue quechua encore interprétés lors du culte des églises à Cusco, tel Apu yaya Jesucristo pour ne citer que le plus représentatif, on ne tarde pas à se rendre compte de l’abîme qui les sépare. Les différences de style musical qui les distinguent sont en effet importantes et significatives : au tissu polyphonique de Hanaqpachap cusicuinin s’oppose le fil monodique d’Apu yaya Jesucristo. Comment interpréter ces différences au sein du répertoire religieux en langue quechua ?

 

Chacun de ces hymnes est la concrétisation d’une tradition musicale spécifique ayant sa propre dynamique, que ce soit d’un point de vue synchronique lors du culte, ou de façon diachronique quant à sa forme de transmission. La première de ces traditions musicales trouve son expression dans Hanaqpachap cusicuinin et dans les hymnes collectés dans les archives ecclésiastiques ; ce sont des hymnes transmis par le biais de l'écriture. La seconde, qui compte Apu yaya Jesucristo, est constituée par le répertoire des doctrinas ; il s’agit d’une tradition musicale transmise oralement. Il est essentiel de prendre en compte le contraste oral/écrit de ces deux types d’hymnes pour aborder l’étude du catholicisme populaire andin. Force est de constater aujourd’hui que la tradition orale, seule, est toujours vivante et utilisée dans le contexte religieux. Un regard sur le panorama musical du XVIe au XXe siècle nous permet de constater que l’hymne de Pérez Bocanegra, s’il est emblématique du processus, n’est qu’un scintillement éphémère et préliminaire dans le firmament des hymnes religieux en langue quechua.

bottom of page