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Le chant grégorien est l’un des premiers répertoires de musique européenne introduits en Amérique Latine par l’Église espagnole. Dans le diocèse de Cusco, au Pérou, dès le XVIème siècle, il a plus particulièrement servi à l’évangélisation des populations indigènes. Pour distinguer le plain-chant, un néologisme a même été créé : Pampayachachicusca taqui. Le franciscain Luis Gerónimo de Ore, cura doctrinero (prêtre évangélisateur) des paroisses d’Indiens de Cuzco en 1583, a publié en 1598 un ouvrage de catéchisation intitulé Symbolo catholico indiano dans lequel il inclut, parmi sept autres hymnes, une version du Credo des apôtres traduit en langue quechua qui devait être chantée sur la mélodie du Sacris solemnis. Cependant, c'est le cinquième cantique qui continue d’être chanté à la cathédrale de Cusco sous le nom de Qanmi Dios kanki. Cet hymne ainsi qu’il est interprété de nos jours est le résultat d’un processus de pentaphonisation opéré sur une mélodie originale d’origine grégorienne. L'ethnographie des pratiques musicales de la cathédrale de Cuzco réalisée à la fin du XXème siècle confirme cette dynamique et permet d’approcher le processus depuis une perspective anthropologique. Qanmi Dios kanki se situe au centre du rite de la messe, car il se trouve en rapport intime avec l'eucharistie.

Les péripéties du  plain-chant dans les Andes

 

En écoutant les interprétations de Qanmi Dios kanki dans la cathédrale de Cuzco, nous pouvons voir comment, sans trahir la solennité de l'acte, cet hymne permet aux fidèles d'intervenir à ce moment crucial. Il apparaît que l’interprétation de cette musique est avant tout perçue comme un geste s’inscrivant dans une religiosité populaire, laquelle est relativement autonome par rapport aux usages cérémoniels ecclésiastiques. L’on peut ainsi apprécier qu’en étant ancré dans un culte populaire, Qanmi Dios kanki, tout comme d'autres chants grégoriens faisant partie d’un répertoire de tradition écrite, est devenu une pratique musicale de transmission orale. Au cours de ce processus, afin de mieux répondre à l’expérience des Indiens, l’on s’est éloigné de l’esthétique initiale jusqu’à bâtir une version métissée, à travers notamment la traduction au quechua des vers et l’indianisation des mélodies.

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